Le terme Die & Retry correspond non pas à un genre, mais à un élément de gameplay. Il signifie « meurs et réessaye » et implique que le joueur devra mourir de nombreuses fois avant de venir à bout d’un niveau.

Les Die & Retry sont le plus fréquemment des jeux de plateformes, même si les jeux d’aventures se prêtent plutôt bien à l’exercice.

Apparu dans les années 2000, ce style de gameplay pousse la difficulté à son paroxysme et demande beaucoup de patience et d’effort aux joueurs.

Cette difficulté est représentative d’une tendance qui existe depuis longtemps dans les jeux vidéo, à savoir jusqu’où le Game Designer peut aller pour rendre son jeu intéressant et pour quelles raisons.

Si le style de jeu est semblable, chaque Die & Retry est unique en son genre. Les joueurs peuvent mourir dans des cavernes à la recherche de joyaux, dans des appartements au milieu des cadavres encore chauds, dans des châteaux à la recherche de ses ancêtres…

Nous allons étudier les plus connus, ou en tout cas les plus symboliques.

Commençons par le plus halluciné d’entre tous : Hotline Miami.

Hotline Miami est un jeu de tir/action en vue de dessus, développé par Dennaton Games  et édité par Devolver Digital. Notre héros est un tueur à gage qui reçoit ses ordres par téléphone, principalement pour s’occuper de la mafia russe.

Le principe est simple : avec votre arme et votre talent, il faudra nettoyer les niveaux de fond en comble, en n’épargnant personne. A votre disposition : bouteille, couteau, revolver, arme automatique et même katana.

Malgré votre arsenal, une seule balle suffit pour vous tuer. Et inutile de préciser que vous allez mourir. Que ce soit à cause des ennemis que vous n’avez pas vu, les chiens qui eux vous ont vu ou même à cause des vitres qui font de vous une cible trop facile.

Le soft est très exigeant, vous obligeant à calculer chaque coup, chaque tir et surtout chaque déplacement.

Dans un autre style, Super Meat Boy, le jeu de plateforme sanguinolent.

Super Meat Boy est un jeu développé par la Team Meat, composé d’Edmund McMillen et Florien Himsl. Vous contrôlez un morceau de viande qui doit secourir sa « princesse » un morceau de bandage, des griffes de l’affreux Dr Fetus.

Le jeu emprunte beaucoup à Super Mario Bros, déjà ses initiales mais aussi son scénario. Niveau gameplay par contre, c’est le jour et la nuit.

Le principe est simple : un début de niveau, une fin de niveau, et quelque dizaines de scies circulaires qui tentent de vous hacher. Les premiers niveaux sont simplistes, les derniers sont démoniaques.

Le gros du gameplay se concentre dans la gestion de l’inertie, des wall jumps, et des sauts calculés aux millimètres.

Les joueurs meurent tellement en général qu’une fois le niveau réussi, le jeu offre un replay avec toutes les morts qui ont eu lieu sur ce niveau, ce qui donne parfois une marée rouge qui vient rencontrée un océan de scies et autres éléments mécaniques tranchants.

Déjà avec ces deux jeux, une définition précise des Die & Retry commence à émerger. Des jeux punitifs, qui nécessitent une précision d’exécution et de la patience.

Cette définition concerne notamment les Die & Retry mais pas seulement. En effet, certains jeux apparus au début de l’âge d’or du jeu vidéo aurait pu être qualifié de telle, si le terme n’était pas apparu plus d’une dizaine d’années plus tard. Des jeux que l’on pourrait qualifier de précurseurs.

Nous allons parler des plus connus : Dragon’s Lair et Ghosts n’ Gobelins.

Dragon’s Lair est un jeu d’arcade sortie en 1983 qui a depuis été décliné sur quasi-toutes les consoles. Le joueur contrôle Dirk, un chevalier qui doit sauver une princesse, Daphné, des griffes d’un dragon maléfique.

Le système de jeu est des plus simple : Le jeu se présente sous la forme d’une suite de cutscene qui offre visuellement un choix au joueur. Visuellement, car aucun indication prévient le joueur qu’il doit effectuer une action. On peut d’ailleurs considérer le jeu comme le premier à intégrer des Quick Time Event (QTE).

La principale difficulté vient du fait que les actions à effectuer ne sont pas préciser, la logique du joueur face à un choix n’est pas sollicitée. Le joueur devra faire preuve de reflexe, d’observation et surtout de mémoire.

Le jeu est très difficile, pas par manque d’équilibrage, mais plutôt par intention.

Le second jeu, Ghosts ‘n Goblins, est un cas d’école dans le milieu du jeu vidéo. Il est considéré comme l’un des jeux les plus difficiles jamais crée.

Sortie en 1985 sur borne d’arcade et développé par Capcom, Ghosts ‘n Goblins nous donne le contrôle de Sir Arthur, un chevalier qui doit sauver la princesse Prin Prin, capturée par Satan lui-même.

Le joueur va affronter plusieurs sortes de monstre, du zombie au dragon, et sera armé d’une lance, pour l’arme la plus simple, jusqu’à une croix, arme nécessaire pour battre Satan. Le joueur possède trois vies, divisé en deux phases. Artur commence le niveau en armure, jusqu’à ce qu’il soit touché. Dès lors, il se retrouve en caleçon, à la manière d’un Mario qui rapetisse après avoir pris un dégât.

Lorsqu’une vie est perdue, le joueur doit recommencer au début du niveau ou au checkpoint s’il en a atteint un. Il est aussi possible de perdre une vie si le joueur est trop lent. En effet, au bout de trois minutes, une vie est automatiquement détruite.

Ces deux jeux ont pour principal point commun leurs plateformes originelles, c’est-à-dire la borne d’arcade. Et cette origine commune à beaucoup influencer leur gameplay.

Le principe même de la borne d’arcade consiste à faire un jeu qui pousse le joueur à remettre une pièce une fois la partie terminé. C’est pour cela que les deux jeux présentés mais aussi une foule d’autres jeux étaient aussi durs.

La difficulté, qui ne représente pas forcément une solution à toute les solutions, a permis de créer non pas de la rejouabilité, mais plutôt une raison au joueur de continuer à payer. Principalement par fierté, mais aussi pour le système de score. Réussir à finir l’un des deux jeux  ci –dessus représente une prouesse.

Cette notion de la difficulté crée une nouvelle façon de jouer, une nouvelle façon d’appréhender le gameplay et le ressenti du joueur. Cela a permis la création de genre nouveau, comme le Die & Retry, mais a aussi entrainer des « déviants » dans leurs approche de la difficulté.

Nous allons nous intéresser à une variante du Die & Retry,  que l’on pourrait qualifier de Die & Re-die.

Le Die & Re-die est plus une parodie de genre qu’un genre. La plupart du temps, on trouve des hommages aux jeux arcade et Nes/Super Nes. On retrouve les mêmes assets, c’est-à-dire les mêmes sprites et les mêmes musiques.

Les jeux qui vont nous intéresser sont Cat Mario et I Wanna Be The Guy.

Comme son nom l’indique, Cat Mario est un hommage/parodie de la franchise Super Mario. Ici, notre héros est un chat, qui va parcourir des mondes très ressemblant aux premiers Super Mario Bros, que ce soit pour les décors, les ennemis et même les mécaniques.

Et c’est là que vous allez mourir la première fois. La ressemblance avec les jeux de plateformes va faire appel à la mémoire du joueur, et malheureusement, le jeu le sait.

Tout est fait pour tuer le joueur. Que ce soit les contrôles, les éléments de design et même les décors. On pourrait considérer cela comme du Level Design « inversé ». Le but du Level Design est de pousser le joueur à faire certaines actions en utilisant les éléments présents dans le jeu. Ici, plutôt que récompenser le joueur, il le tue.

Pour vaincre Cat Mario, il faut oublier ce que les jeux vidéo nous ont appris, et réfléchir différemment. Malheureusement, les réflexes acquis au fil des années font que Cat Mario arrive à nous tuer la plupart du temps, amenant ainsi son lot de frustration.

Dans le même style, I Wanna Be The Guy (IWBTG) est une référence en matière de frustration.

Sortie en 2007 sur PC, IWBTG est un jeu indépendant crée par Michael « Kayin » O’Reilly. Le joueur contrôle « The Kid », un enfant qui souhaite prendre la place de « The Guy ». Pour ce faire, il devra traverser une dizaine de niveau, qui s’inspirent de différents jeux ayant marqué la culture vidéo ludique.

Ici, les contrôles sont littéralement mortels. En effet, les joueurs PC sont habitués à l’éternel ZQSD/WASD. Mais pas ici, ce serait trop facile. La touche Q permet de se suicider. Cela n’a aucun but particulier hormis la simple joie de tuer le joueur à cause d’une touche malencontreusement pressée.

Autre détail intéressant, si le curseur de la souris est visible à l’écran, elle se déplacera vers le joueur pour le tuer. D’ailleurs, le joueur meurt dès qu’il est touché, pour plus de fun.

Avant même de rencontrer le premier obstacle, le joueur à la possibilité de mourir de deux manières différentes.

Une fois dans le jeu, c’est encore pire. Selon le créateur, « si un élément à l’air inoffensif, le joueur peut être certain que c’est un piège ». Un élément du décor peut être inoffensif la première fois que vous le rencontrez, mais sera mortel la prochaine fois que vous le rencontrerez. Et aucun moyen de distinguer ces deux éléments.

Dans le même style (sadique), des pommes sont visibles dans certains arbres. Evidemment, certaines vont tomber lorsqu’on marche en dessous. Là où le jeu est fourbe, c’est que certaines pommes vont monter quand on est situé au-dessus d’elles, et d’autres vont se déplacer horizontalement.

Pour résumer, le seul moyen de découvrir quel élément est mortel est de mourir. L’appellation Die & Re-die prend son sens car le jeu tue le joueur à répétition, et le seul moyen de gagner est d’apprendre les pièges par cœur.

Le principal atout de ce genre est le sentiment de complétion et de maîtrise que ressent le joueur une fois ces jeux battus.

On pourrait penser que les Die & Retry sont des exemples de facilités de design. La difficulté trop haute dès les premiers instants du jeu peut servir de cache-misère et augmenter nettement la durée de vie d’un jeu.

Ainsi, un jeu moyen avec des problèmes de design mais une forte difficulté vous occupera une trentaine d’heures, sans vous satisfaire pour autant.

Mais ce n’est pas le cas de tous les jeux, et Rogue Legacy en est un très bon exemple.

Rogue Legacy est un rogue-like/plateformer développé par Cellar Door Games et sorti en juin 2013 sur PC, puis sur PS3/PS4/PSVita en 2014.

On incarne un chevalier qui doit affronter des dizaines d’ennemis différents dans un château. Jusqu’ici, rien de très nouveau. Mais c’est là qu’intervient le rogue-like dissimulé dans la présentation du jeu.

Le style rogue-like est, à l’instar du die & retry, une tendance né avec l’explosion du jeu indépendant. Un rogue-like est donc un jeu qui va apporter du procédural dans le système de jeu.

Le procédural est différent de l’aléatoire car il permet un nombre limité de possibilité pour un événement donné. Par exemple, dans un jeu où les ennemis sont générés procéduralement selon le niveau où se trouve le joueur, il sera impossible de trouver des ennemis de fin de jeu à l’entrée du donjon.

Dans Rogue legacy, le procédural intervient dans la génération du château. En effet, à chaque fois que le joueur meurt, le château va changer la disposition des salles, des ennemis, des boss, etc…

Ainsi, le joueur vit une expérience différente à chaque partie, et la mort n’est plus aussi punitive.

Là où Cellar Door Games a marqué les esprits, c’est par le personnage incarné dans le jeu. En effet, pour résumer l’histoire, vous incarnez un chevalier qui doit reconquérir le château de ces ancêtres. Mais si jamais votre héros meurt pendant l’aventure, la tâche sera dès lors confiée à l’un de ces descendants.

Ainsi, non seulement le château change à chaque mort, mais votre héros aussi.

Si Rogue Legacy est si jouissif malgré la difficulté, c’est parce que le joueur n’a pas l’impression de rejouer au même jeu à chaque fois. Entre deux parties, vous pouvez passer d’un ninja daltonien et atteint du syndrome de la Tourette à un mage nain dyslexique. Et le donjon change en permanence.

L’expérience de jeu change à chaque partie, et le joueur ne se lasse pas de mourir, au contraire. La mort n’est plus une fin en soi, elle est même presque gratifiante.

Les jeux comme Rogue Legacy sont trop peu nombreux, et seuls quelques jeux indépendants arrivent à utiliser la difficulté à bon escient.

Dans l’industrie vidéo-ludique actuelle, un joueur attend d’un jeu qu’il le divertisse en fonction du prix payé. Il est compréhensible que le joueur soit frustré (voir outré) si les 70€ dépensés ne lui auront permis de s’amuser seulement 5 heures.

Et cette mentalité vient notamment du prix des jeux, de l’abondance de ces derniers, de la publicité (mensongère parfois) autour de ces derniers.

On attend d’un jeu qu’ils nous divertissent, et vu le nombre de jeux qui sortent par année (  ) le consommateur (et non plus le joueur) doit se décider entre tel et tel jeux. L’un des principaux facteurs est donc la durée de vie. Le joueur tient à rentabiliser son jeu.

Et pour cela, les développeurs ont certaines solutions, dites « faciles ».

Pour augmenter la durée de vie d’un jeu, on peut ajouter des choix (moraux ou non), qui permettent de la rejouabilité. La plupart du temps, ces choix n’influencent pas foncièrement le gameplay, mais plutôt la cinématique de fin.

Il est aussi possible, vous l’aurez compris, d’augmenter sensiblement la difficulté. Si le jeu possède seulement 10 niveaux, mais que le joueur doit réessayer une quinzaine de fois avant de réussir un seul de ces niveaux, la durée de vie augmente considérablement.

Ainsi, plus besoin de créer un univers prenant, des mécaniques bien ficelées ou encore une histoire qui aborde des thèmes importants pour que le joueur ne quitte plus le jeu. C’est pour cela qu’une grande partie des jeux indépendants sortis en 2015 sont des Die & Retry.

Outre l’aspect « clone », et l’envie de copier une recette qui fonctionne, l’ajout de difficulté permet à une petite équipe de créer un jeu qui peut occuper n’importe quel joueur pendant une certaine durée, sans avoir à effectuer un gros travail de design sur le jeu.

Mais ce n’est pas le cas de tous les Die & Retry, bien au contraire. Les quelques exemples cités plus tôt cherchent à produire une expérience différente pour la plupart. Si on oublie les jeux « parodiques », la principale qualité du Die & Retry est la récompense mentale qu’obtient le joueur après avoir battu le jeu. Battu, car on peut rester happé par pendant plusieurs heures, à tenter de trouver le chemin optimal, de ne pas se faire repérer, de trouver tous les items cachés etc…

Le joueur est challengé par le jeu. Ce dernier lui dit qu’il n’arrivera jamais à passer, et comme tout le monde le sait, chaque joueur peut se définir par son esprit de contradiction.

Tous les éléments ou presque des Die & Retry apportent de la frustration, notamment dans la défaite. Après avoir péri des centaines de fois, avoir cassées de nombreuses manettes et pleuré dans un coin en position latéral de sécurité, le joueur qui arrive enfin à battre le jeu ressent dès lors un sentiment de complétion.

On peut appeler ça le Flow, le Nirvana ou même simplement le « Oh p****n je l’ai enfin défoncé ce c*****d de m***e ».

Chaque élément de design vient ajouter de la pression et de la frustration, pour que la victoire soit d’autant plus belle.